En 1962, Robert Gloton, Inspecteur primaire de l’éducation nationale, obtenait l’aval institutionnel pour faire des écoles de sa circonscription du 20^ème arrondissement de Paris des établissements expérimentaux. Son ambition visait « une autre pédagogie pour une autre école …. ;  [à ce que le maître].. renonce à son pouvoir dominateur...[car] ..il ne peut "décoloniser" l’enfant s’il n’est pas lui-même "désaliéné" » (Gloton, 1979, 179). Lieu d’effervescence de l’innovation, ces écoles ont acquis une renommée internationale. C’est « [...] l’expérience la plus extraordinaire, la plus féconde des pépinières d’hommes et d’idées que nous ayons connue en cinquante ans » (Vial, 1980).

Dès son premier poste d’inspecteur, en 1946 dans la Marne, Robert Gloton organise déjà sa circonscription en impulsant des orientations pédagogiques innovatrices. L’objectif est ambitieux puisqu’il s’agit de faire « table rase de la pédagogie orthodoxe » en la dénonçant comme aliénante, pour l’enfant et le maître. Inventer une démarche innovatrice qui les libère résume le projet politique de l’expérience qui se veut progressiste. Une recherche empirique est nécessaire pour lire cette foi militante.  En quoi s’inscrit-elle dans une visée progressiste qualifiée de désaliénante telle que Gloton la présente, à fortiori quand la forme scolaire traditionnelle reste celle de l’école qu’il critique et quand sa fonction d’inspecteur le lie à une certaine orthodoxie ?

Muté dans l’Eure en 1948, il poursuit son objectif en créant en 1950, dans sa circonscription de Vernon, le Groupe Coopératif d’Education Nouvelle des Andelys –Vernon qu’il présidera jusqu’en 1957. Le bulletin bimestriel Echanges, édité par ce groupe, rend comptedes innovations pédagogiques des instituteurs qui en sont membres. Notre communication s’attachera à analyser la rhétorique de l’aliénation récurrente dans  le discours de Gloton , en particulier dans les quelques 40 numéros de ce bulletin et de comprendre où la critique situe le débat entre conservatisme et réformisme.